Barberousse

Toshiro Mifune : de Akira Kurosawa à John Boorman

Vers 1820. Noboru Yasumoto (Yuzo Kayama) revient à Edo après plusieurs années de formation médicale à Nagasaki. Attiré par les hautes sphères, c’est contre son gré qu’il est nommé interne dans l’hôpital de Kyojo Niide (Toshiro Mifune), médecin des pauvres, surnommé Barberousse.

Film fleuve, Barberousse est une nouvelle plongée dans les bas-fonds d’Edo (future Tokyo), un film dont les personnages relèvent à la fois de Dostoïevski et de Dickens. Dans ce Japon des délaissés, un médecin à la poigne de fer, franc et désintéressé, soigne ses malades et lutte contre la misère physique comme morale. Face à lui, un jeune diplômé orgueilleux, peu enclin à mettre la main à la pâte, lui qui est destiné à soigner la Cour. Grâce à cette histoire d’initiation à la vie, Kurosawa poursuit son œuvre humaniste et parfois idéaliste.

Barberousse est un film gigantesque : réalisé en 70 mm, avec entre deux et cinq caméras pour chaque scène, son tournage dura près de deux ans. Au final, cette superproduction de plus de trois heures, au style dépouillé, sera impossible à amortir. Elle laissera son réalisateur harassé, l’obligeant à faire un séjour en clinique de repos.

Barberousse marque aussi la fin de la longue et très fructueuse collaboration du cinéaste avec son acteur, Toshiro Mifune. Alors que Kurosawa souhaite développer pour le personnage de Barberousse son caractère de médecin attentif – proche du psychanalyste –, Mifune l’interprète à sa guise et en fait un homme au caractère de héros, de samouraï. Les deux hommes, très proches, se séparent à l’issue du tournage.

Barberousse est une œuvre magistrale, et Roger Tailleur de conclure: « Avec une douceur patiente de chirurgien de l’âme, et par des plans longuement tenus, qui sont autant de notes d’un andante de pure sérénité, Kurosawa atteint au sublime. » (Positif n°72, décembre 1965)